Comment reconnaître une Annonciation ? Quels cadeaux apportent les rois mages à l’Enfant Jésus ? Pourquoi les premiers chrétiens ont-ils représenté le Christ sous la figure du Bon Pasteur, une brebis sur les épaules ? Jusqu’au 19e siècle, l’art occidental était en grande partie religieux. Les musées, les églises, les galeries d’art conservent des œuvres présentant des épisodes de la vie de Jésus, des scènes de l’Ancien Testament ou des figures de saints.
 
Il y a encore une quarantaine d’années, ces représentations étaient immédiatement comprises par tous : les sujets qu’elles évoquent faisaient partie de la culture commune. Même si l’on n’appartenait pas à la religion chrétienne, l’école, la famille, la société en général s’étaient chargées d’en expliciter le contenu et d’en transmettre les grilles de lecture.
 
Cette culture a disparu, même dans les milieux chrétiens. Les causes sont complexes et ne tiennent pas seulement au déclin progressif de l’influence de l’Église catholique sur la société. Le fait est là, enregistré par les enseignants, les médias, l’Éducation nationale, les conservateurs de musée, etc. On ne saurait s’y résoudre. Comme le souligne le rapport Debray, la question ne porte pas seulement sur la religion. Ignorer la culture religieuse,  « c’est la menace de plus en plus sensible d’une déshérence collective, d’une rupture des chaînons de la mémoire nationale et européenne où le maillon manquant de l’information religieuse rend strictement incompréhensible, voire sans intérêt, les tympans de la cathédrale de Chartres, la Crucifixion du Tintoret, le Don Juan de Mozart, le Booz endormi de Victor Hugo, et la Semaine sainte d’Aragon ». Et ne plus comprendre la culture qui nous a produits ouvre une voie royale au communautarisme, à l’intolérance, au rejet de l’autre et à la perte d’identité.
 
 
 
But de l’ouvrage
 
Pour Décoder un tableau religieux propose des clefs de lecture aux œuvres religieuses afin de permettre la compréhension de la majeure partie des productions de l’art occidental jusqu’au 19e siècle. Il entend fournir aux élèves du secondaire et aux étudiants du supérieur les moyens d’identifier le sujet des œuvres d’art et d’en comprendre la portée. Comment en effet entreprendre des études en histoire de l’art sans être capable d’identifier correctement tous les personnages d’une crucifixion ? Comment se lancer dans la création multimédia en ignorant totalement les œuvres et les symboles de l’art occidental ? Comment étudier l’Histoire en ignorant l’univers artistique dans lequel s’est mu l’Occident à partir du 3e siècle ? Il aidera aussi les enseignants du secondaire à préparer leurs cours, en lien avec les instructions ministérielles concernant l’enseignement du fait religieux dans l’École laïque. Enfin, il espère accompagner tous ceux qui entrent dans les musées ou les églises ou vont dans les expositions, en leur procurant une première explication des tableaux ou des sculptures qu’ils contemplent.
 
Aussi ne trouvera-t-on ici ni un traité de théologie chrétienne, ni une histoire de l’art. Si les textes bibliques sont cités et si l’on en donne un bref commentaire afin d’en dégager le sens traditionnel, l’explication débouche toujours sur l’utilisation que l’art en a faite. Si l’on fournit des éclaircissements sur tel ou tel point de la doctrine chrétienne, c’est afin d’élucider une représentation ou un symbole. De même, il n’y a dans ce livre aucune monographie sur les artistes, aucune considération sur les conditions techniques de la production des œuvres, ni aucune prétention à l’exhaustivité du catalogue des exemples (on peut cependant se référer à une chronologie de l’art religieux qui est donnée en fin de volume). Enfin, on traite des personnages et des épisodes bibliques dans leur rapport à l’art : on n’interrogera donc pas leur existence historique, ni la vraisemblance de leur présentation.
 
 
Organisation de l’ouvrage
 
L’ouvrage traite du Nouveau Testament, de loin le plus représenté dans l’art religieux occidental. Au sein de ce corpus, nous avons sélectionné une quinzaine de scènes caractéristiques choisies pour leur fréquence ou leur importance artistique. Cependant, le « guide d’identification » fournit des éléments pour reconnaître d’autres motifs. Les scènes traitées sont données par ordre alphabétique puisqu’on ne fait pas un commentaire artistique des évangiles qui devrait en suivre la chronologie.
 
Chaque sujet est étudié de la même manière. Le chapitre s’ouvre sur une œuvre choisie pour sa représentativité et son intérêt iconographique : elle est décrite afin d’en élucider le contenu. Après une analyse des textes à l’origine de la représentation, chacun des éléments iconographiques est analysé, les personnages, les objets, les lieux. Lorsque la scène a subi une évolution marquante, celle-ci est mentionnée. Les exemples artistiques sur lesquels s’appuie l’étude sont présentés en note. Si une représentation se révèle particulièrement caractéristique ou particulièrement frappante, elle fait l’objet d’une illustration en marge.
 
Tout en revendiquant sa part de liberté créative, l’illustrateur a travaillé directement sur des œuvres célèbres de l’histoire de l’art afin que le lecteur puisse se forger une culture artistique au contact de ses productions les plus remarquables.
 
La majorité des exemples, des tableaux présentés et des illustrations sont antérieurs à la fin du 17e siècle. En effet, cette époque connaît un profond bouleversement de la compréhension du rôle de l’art religieux. Jusqu’au concile de Trente, l’Occident a compris le recours aux images comme une manière de catéchisme. On cite souvent à ce propos une lettre du pape Grégoire le Grand à l’évêque de Marseille Serenus qui affirme que l’art est fait « pour que ceux qui ne savent pas leurs lettres lisent quand même : en voyant sur les murs ce qu’ils ne peuvent lire dans les livres » (Lettre 9, 105). L’art religieux est la Bible des illettrés : au même titre que l’homélie, il sert d’enseignement. Certes, cette théorie connut de considérables variations. Elle perdura cependant jusqu’à la Renaissance. À partir du 16e siècle, on vit dans l’art un moyen d’illustrer plus qu’un moyen d’enseigner. Aussi abandonna-t-on lentement les régularités iconographiques, les scènes types, les modèles hérités des siècles passés. De nouveaux sujets apparurent tandis que les anciens furent traités avec une plus grande liberté. Les images du 18e siècle, et a fortiori celles du 19e siècle, sont donc moins représentatives et donc moins utilisables dans un ouvrage d’introduction à l’art religieux.
 
À la suite de chaque analyse, nous avons proposé une ou plusieurs « ouvertures ». Leur but est de présenter brièvement une problématique historique, iconographique, philosophique ou exégétique. Elles montrent que l’œuvre d’art n’est pas cloisonnée ; elle ouvre sur des débats intellectuels ou artistiques.
 
 
 
Bibliographie
 
 
François Bœspflug et Nicolas Lossky (dir.), Nicée II, 787-1987. Douze siècles d’images religieuses, Paris, Cerf, 1987.
 
Louis Bréhier, L’Art chrétien, son développement iconographique des origines à nos jours, Paris, Renouard, 1918.
 
Gaston Duchet-Suchaux, Michel Pastoureau, La Bible et les saints. Guide iconographique, Paris,  Flammarion, 1990.
 
François Garnier, Le Langage de l’image au Moyen Age, Paris, Le Léopard d’Or, Paris, 1982-1989.
 
André Grabar, Les Voix de la création en iconographie chrétienne. Paris, Flammarion, 1979.
 
Émile Mâle, L’Art religieux au 13e siècle en France, Paris, 1898.
 
Émile Mâle, L’Art religieux de la fin du Moyen Age en France, Paris, 1908.
 
Émile Mâle, L’Art religieux au 12e siècle en France, Paris, 1922.
 
Erwin Panofsky, L’Œuvre d’art et ses significations. Essais sur les arts visuels, trad. fr. Paris, 1969.
 
Nous devons bien des analyses à l’irremplaçable travail de Louis Réau :
 
Louis Réau, Iconographie de l’art chrétien, 3 tomes, 6 vol., Paris, PUF, 1955-1959.
 
 
Internet constitue également une extraordinaire banque d’images. La majorité des œuvres citées dans le texte peuvent y être retrouvées. Voici quelques sites très complets que nous avons assidûment consultés :
 
http://www.wga.hu/. L’une des banques d’images artistiques les plus complètes du web.
 
http://www.insecula.com. Autre banque d’image très complète, qui classe les œuvres par musée et offre de nombreux liens facilitant la recherche.
 
http://gallica.bnf.fr. Le site de la Bibliothèque Nationale de France : nombreuses reproductions de manuscrits.
 
http://www.culture.gouv.fr/documentation/joconde/fr/pres.htm. La base Joconde du ministère de la Culture : catalogue de nombreuses œuvres conservées dans les musées de France (fiches descriptives détaillées).
 
http://www.biblical-art.com. Site Biblical art : annuaire de liens renvoyant à des sites d’art à partir d’une recherche par thèmes.
 
http://www.enluminures.culture.fr. Banque d’enluminures conservées dans les bibliothèques françaises.
 
http://www.artcyclopedia.com. Portail consacré à l’art, recherche par artistes, mots ou lieux.
 
http://www.abcgallery.com/. Banque d’images artistiques.
 
 
 
Notre méthode